Le silence est la meilleure réponse à l’ultimatum  de Bayrou

Le chef du gouvernement français a évidemment manqué à tous les usages diplomatiques, ce qui, soit dit en passant, n’est pas dans ses habitudes,  en posant un ultimatum à l’Algérie, lui enjoignant de reprendre toute une liste de ses ressortissants indésirables sur le sol français, ou de s’attendre sinon à la dénonciation de l’accord de […]

Fév 28, 2025 - 21:57
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Le silence est la meilleure réponse à l’ultimatum  de Bayrou
Le chef du gouvernement français a évidemment manqué à tous les usages diplomatiques, ce qui, soit dit en passant, n’est pas dans ses habitudes,  en posant un ultimatum à l’Algérie, lui enjoignant de reprendre toute une liste de ses ressortissants indésirables sur le sol français, ou de s’attendre sinon à la dénonciation de l’accord de 1968. Si à l’origine l’objet de cet accord  était d’organiser l’entrée, le travail et l’installation des Algériens en France, suite à une première période de libre circulation,  car lui-même procède d’une révision restrictive, cela fait longtemps qu’il est devenu «une coquille vide», ses révisions n’ayant pas manqué depuis, pour reprendre une expression employée par le Président Tebboune. Si l’Algérie perdait des avantages avec la fin  de cet accord, on pourrait à la rigueur comprendre le recours au style comminatoire sur lequel s’est rabattu François Bayrou, tout en niant d’ailleurs qu’il veuille l’escalade. Elle voudrait en effet dans ce cas continuer de jouir d’avantages acquis, ce qui aurait peut-être eu pour effet de la rendre plus attentive aux demandes françaises, en matière de laissez-passer consulaires notamment, encore que cette pièce ait été conçue par elle pour un autre usage que l’exécution des OQTF (Obligation de quitter le territoire français). Or elle ne perd rien.
De là l’inutilité, la stupidité même de l’ultimatum de Bayrou. Dans ces conditions, la meilleure réponse à lui apporter serait le silence. Celui-ci est du reste d’autant plus indiqué en l’occurrence que le gouvernement qui l’a posé est un gouvernement minoritaire, un gouvernement sans cesse aux abois, car sous la menace constante d’une motion de censure, venant soit de gauche soit de droite et pouvant être votée des deux côtés. Le même Bayrou qui choisit la dénonciation de l’accord de 1968, l’ultimatum y conduisant sûrement en effet, lui et son parti, avec eux celui de Macron, s’étaient opposés à la proposition de loi soutenue par le bloc des droites en fin d’année 2023, dont l’objet était dénonciation de l’accord en question. Bayrou s’est sauvé lui-même en posant à l’Algérie un ultimatum. Il avait le choix entre faire ce qu’attendaient de lui l’extrême droite et la droite extrême, et échapper ce faisant, encore que ce soit pour un temps seulement, à la censure, ou bien aller poser lui-même sa tête sur le billot. On comprend qu’il ait fait le premier choix. Mais tout ceci n’est qu’un avant-goût de ce que sera la politique française à l’égard de l’Algérie quand l’extrême aura pris tout le pouvoir en France. La dénonciation d’un accord depuis longtemps vidé de sa substance est un acte de pure hostilité, à ce titre gratuit, toutefois une sorte de déclaration de guerre avant l’heure. Elle laisse entrevoir ce que fera l’extrême droite quand elle sera au pouvoir, ou plus exactement ce qu’elle voudra faire, car il n’est pas du tout évident qu’elle en soit capable le moment venu. L’Algérie d’aujourd’hui n’est pas celle de 1830, non plus le monde ni la France. L’extrême droite s’imagine que si au moment où elle accède au pouvoir, l’accord de 1968 est déjà rompu, elle n’aura plus qu’à se mettre à la tâche, c’est-à-dire à expulser à tour de bras les Algériens, et sans avoir pour cela à quémander le moindre laissez passer auprès des consulats algériens. Dans le cerveau dérangé d’un Driencourt, ou d’un Retailleau, il est tout à fait possible de passer de plain-pied de la première situation à la seconde. On dénonce aujourd’hui, on déporte demain.