Prise en charge des enfants autistes : Inclusion ou isolement ?

Le projet du Plan national pour l’autisme s’est invité à nouveau à la table du Conseil des ministres, présidé par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune. Ce signe de récurrence révèle une réelle volonté politique d’améliorer la prise en charge des enfants autistes, mais cela soulève également des interrogations sur la forme que prendra […] The post Prise en charge des enfants autistes : Inclusion ou isolement ? appeared first on Le Jeune Indépendant.

Juin 4, 2025 - 22:27
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Prise en charge des enfants autistes : Inclusion ou isolement ?

Le projet du Plan national pour l’autisme s’est invité à nouveau à la table du Conseil des ministres, présidé par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune. Ce signe de récurrence révèle une réelle volonté politique d’améliorer la prise en charge des enfants autistes, mais cela soulève également des interrogations sur la forme que prendra cette prise en charge dans les années à venir. Des voix s’élèvent pour appeler à une approche plus inclusive.

Lors de la réunion du 1er juin 2025, le Président Tebboune a ordonné la création d’un centre national et d’antennes régionales dédiés aux enfants atteints d’autisme. Ces établissements, selon le communiqué officiel de la Présidence, offriront une prise en charge et un enseignement « optimaux ». Une décision qui entend répondre à un déficit chronique en structures spécialisées à travers le territoire national. Le chef de l’Etat a également insisté sur la préservation du bien-être psychologique des enfants, soulignant la nécessité d’éviter les effets délétères d’un éloignement prolongé de leur famille.

Cette annonce s’inscrit dans le cadre du Plan national pour l’autisme 2025-2029, toujours en cours d’élaboration. Porté par le ministère de la Santé et coordonné par le Comité national intersectoriel de l’autisme (CNIA), le plan ambitionne de renforcer le diagnostic précoce, la scolarisation adaptée, l’inclusion sociale et le soutien familial, en collaboration avec les ministères de l’Education, de la Solidarité et du Travail.

Si la création de centres spécialisés peut paraître séduisante, notamment dans un pays encore peu doté en structures adaptées, elle fait craindre une forme de repli institutionnel, en opposition à l’idéal d’une société inclusive. « Bien que la création de centres spécialisés puisse apparaître comme un progrès, elle risque, si elle est mal pensée, de renforcer une logique d’isolement institutionnel contraire à l’esprit de notre Constitution et aux engagements internationaux de l’Algérie, de détourner les financements publics des écoles ordinaires, d’empêcher la construction d’un système éducatif inclusif, et de perpétuer l’idée que l’autisme est une anomalie à traiter à part », a alerté Mme Farah Acid, présidente de la Fondation Elias pour l’autisme.

Contacté par le Jeune Indépendant, la militante rappelle que cette annonce intervient dans la foulée de la promulgation de la loi 25-01 sur le handicap en février 2025, dont plusieurs dispositions ont suscité des inquiétudes parmi les associations. « Avec une trentaine d’organisations, nous avions signalé des lacunes dans cette loi, notamment, concernant la gratuité de l’enseignement et la promotion incompréhensible de l’institutionnalisation des enfants autistes particulièrement », a-t-elle souligné.

Mme Acid a regretté le fait que cette loi soit en contradiction avec le principe d’inclusion et les normes internationales sur lesquels le président de la République insiste dans ses interventions. « Mais la précipitation lors du vote à l’APN n’a pas laissé le temps à nos signalements d’être étudiés », a-t-elle déploré.

Pour la présidente de la Fondation Elias, la solution ne réside pas dans l’exportation de modèles étrangers ni dans la reproduction de schémas fermés, mais dans une transformation profonde du système scolaire. « L’expérience internationale montre que ce type de structures fermées, même régionales, tend à remplacer la scolarisation ordinaire par une prise en charge parallèle et à maintenir les familles dans une logique de dépendance », a-t-elle expliqué.

Selon Mme Acid, ce modèle institutionnel a montré ses limites en Europe comme dans le Sud global, et il est, a-t-elle dit, en contradiction avec les recommandations de l’OMS, de l’ONU, et surtout de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, que notre pays a ratifiée.

Pour elle, c’est en transformant l’école elle-même que nous pourrons offrir un avenir plus juste à tous les enfants, y compris ceux atteints d’autisme », a-t-elle suggéré. Mme Acid a appelé à une formation adaptée des enseignants, à des aménagements pédagogiques inclusifs, et à une mobilisation de la société civile pour bâtir une Algérie solidaire et moderne, respectueuse des différences.

Le débat est donc ouvert, entre l’urgence de créer des structures adaptées et l’impératif de ne pas rompre le lien social des enfants autistes. La réussite du Plan national de l’autisme dépendra de sa capacité à conjuguer les moyens matériels avec une vision humaniste, fondée sur les droits fondamentaux et l’inclusion.

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