Salima Mimoune: Ecrire pour résister, écrire pour transmettre

Dans le paysage littéraire algérien, certaines voix se lèvent comme des éclats de vérité, des témoins de la douleur mais aussi des semeurs d’espérance. Celle de Salima Mimoune appartient à cette lignée d’écrivaines pour qui l’acte d’écrire n’est pas un simple geste esthétique, mais un engagement vital. Par Hafit Zaouche Trois romans et un recueil […]

Oct 7, 2025 - 22:58
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Salima Mimoune: Ecrire pour résister, écrire pour transmettre

Dans le paysage littéraire algérien, certaines voix se lèvent comme des éclats de vérité, des témoins de la douleur mais aussi des semeurs d’espérance. Celle de Salima Mimoune appartient à cette lignée d’écrivaines pour qui l’acte d’écrire n’est pas un simple geste esthétique, mais un engagement vital.

Par Hafit Zaouche

Trois romans et un recueil de nouvelles composent déjà son univers. Parmi eux, La Pieuvre s’impose comme une œuvre majeure. Dans ce récit déchirant, elle revient sur les années 90, cette décennie noire qui a ensanglanté l’Algérie et fracturé ses rêves. À travers l’histoire d’amour de Yousra et Yanis, deux lycéens que rien ne prédestinait au supplice sinon la folie meurtrière d’une époque, elle met en lumière l’innocence sacrifiée, la jeunesse piétinée, les idéaux assassinés. Mais elle y glisse aussi la poésie, comme un contrepoids à l’horreur, comme un souffle de beauté pour ne pas céder au désespoir.
«Écrire, dit-elle, est un acte de résistance. La femme qui écrit devient passeuse de lumière». Cette conviction habite toutes ses pages. Pour Salima Mimoune, la littérature n’est pas neutre : elle témoigne, dénonce, console et surtout rappelle que les mots peuvent être des armes contre l’oubli et la résignation.
L’écrivaine ne cache pas que son propre cheminement fut celui d’une lente conquête. D’abord les lectures d’enfance, les contes et les illustrés qui ouvraient des mondes ; puis ces cahiers secrets où elle notait ses premiers récits, comme des confidences jalousement gardées. Longtemps, elle a douté de sa légitimité, avant de comprendre que l’écriture n’est pas un privilège mais une nécessité intérieure, une voix qui cherche à exister.
Son inspiration, elle la puise dans la grande littérature universelle : Kateb Yacine et Rachid Mimouni pour l’Algérie, Simone de Beauvoir et Gisèle Halimi pour le combat des femmes, Émile Zola et John Steinbeck pour la justice sociale, Chinua Achebe pour la mémoire africaine. Mais au-delà des influences, c’est son regard propre qui s’impose : lucide, indocile, profondément humain.
Aujourd’hui, elle vient d’achever un ouvrage bouleversant : Nom de guerre Dalila, consacré aux Mémoires de Guerre de la moujahida Yamina Brahimi, dite Dalila au maquis. Cette adolescente qui, à quinze ans, déposait des bombes et traversait le Chélif en crue pour rejoindre ses compagnons de lutte, incarne une page héroïque de l’Histoire algérienne.
L’ouvrage sera publié chez Casbah Éditions et présenté au SILA. Il bénéficie d’une postface de l’historien Daho Djerbal, signe de la portée historique et mémorielle de ce témoignage. En redonnant voix à Dalila, Salima Mimoune poursuit sa mission : sauver de l’oubli celles et ceux que l’Histoire officielle tend parfois à effacer. Dans un monde où la lecture recule, elle croit plus que jamais au rôle de l’écrivain : un veilleur, un passeur, un constructeur de mémoire et d’avenir. Elle le dit avec force : «Le livre demeure un socle d’émancipation et de construction citoyenne». Lire Salima Mimoune, c’est accepter d’affronter nos blessures collectives, mais aussi découvrir dans les mots une lueur d’espérance. Sa plume est une vigie : elle nous rappelle que, malgré la violence et l’oubli, les roses continuent de fleurir au printemps, et qu’aucune pieuvre, aussi sombre soit-elle, ne pourra engloutir à jamais le désir de vivre, d’aimer et de créer.
Née à Taher, dans la wilaya de Jijel, Salima Mimoune est économiste de formation (Université des frères Mentouri, Constantine).

H. Z.