Une démonstration d’un Etat qui venait de naître : La rentrée de l’indépendance
Dans « Algérie 1962. Une histoire populaire » (éditions La Découverte), l’historienne Malika Rahal souligne à grand trait la place et l’importance de la rentrée scolaire 1962-1963 dans ce mouvement vers l’avenir. Morceaux choisis : La poursuite de la reconversion fait partie des priorités du nouveau gouvernement investi fin septembre. Alors que l’État est désormais […] The post Une démonstration d’un Etat qui venait de naître : La rentrée de l’indépendance appeared first on Le Jeune Indépendant.

Dans « Algérie 1962. Une histoire populaire » (éditions La Découverte), l’historienne Malika Rahal souligne à grand trait la place et l’importance de la rentrée scolaire 1962-1963 dans ce mouvement vers l’avenir. Morceaux choisis :
La poursuite de la reconversion fait partie des priorités du nouveau gouvernement investi fin septembre. Alors que l’État est désormais « rétabli dans la plénitude de ses droits » et que « le travail d’édification va commencer », la liste des urgences comprend, outre l’organisation de la rentrée des classes, l’alphabétisation des masses, le rétablissement de la sécurité, la relance économique, la reconversion de l’armée (…) Forger un corps médical nécessite en effet la remise en route du système éducatif mis à mal après le départ en nombre des fonctionnaires français et une année scolaire interrompue par la violence de l’OAS.
Mais elle se heurte à la difficulté de constituer un corps enseignant suffisamment nombreux. À la rentrée 1962, l’État qui vient à peine de naître doit faire la démonstration de sa capacité à accueillir les élèves et les étudiants. La rentrée scolaire, finalement fixée au 15 octobre, constitue un premier défi. Tant que le caractère définitif de l’exode n’est pas établi, les appels en direction des enseignants français se multiplient pour qu’ils restent ou reviennent. Le rattrapage des examens s’organise pour tous ceux dont les épreuves ont été annulées en juin. En octobre, les écoles utilisent la presse pour communiquer avec leurs élèves au sujet des modalités d’inscription.
Les inspections académiques recrutent à toute force des enseignants alors que le stage de formation accélérée de la Bouzareah qui prépare d’urgence des enseignants se termine par la tenue d’une cérémonie en présence de Ferhat Abbas et plusieurs ministres. Cinq cents stagiaires ont été formés, hommes et femmes à parité dont la moitié sont arabophones (…) La rentrée de l’automne 1962 est symbolique, car la revendication d’accès à l’enseignement public avait été centrale dans le mouvement nationaliste depuis plusieurs décennies. L’enjeu principal est de trouver suffisamment d’enseignants formés. À la veille de la rentrée, on estime que 18 000 instituteurs sur 23 500, 1 400 professeurs sur 2 000 et presque tous les enseignants de l’enseignement supérieur ont quitté le pays.
Les journaux se remplissent non seulement d’appels du gouvernement à destination des enseignants français, pour les encourager à rester ou à revenir, mais aussi d’annonces, école par école, pour mobiliser les enseignants et les volontaires et informer les familles de la reprise’’. En « Soixante-deux », ‘’l’urgence vitale est plutôt de s’approvisionner en nourriture, déminer les sols, organiser la rentrée des écoles et faire fonctionner les usines tout en mettant sur pied un État, former des instituteurs, médecins et ingénieurs pour assurer le changement d’échelle qui accompagne la transition et le remplacement de l’État colonial par l’État national. Ce changement d’échelle de l’État est à la fois une ambition et une urgence.
Deux documents révèlent l’intensité de l’effort et de l’investissement nécessaires pour le réaliser. À la fin de 1961 ou au début de 1962, dans une brochure non datée, le Gouvernement général de l’Algérie soulignait l’absurdité de vouloir loger et scolariser l’ensemble de la population colonisée d’Algérie : « La scolarisation de 2 000 000 d’enfants est presque irréalisable, puisque la construction des écoles absorberait la totalité du budget algérien […] et qu’il faudrait payer 40 000 maîtres supplémentaires. » Or, d’après l’Office national de la statistique, en 1970-1971, le nombre d’enfants scolarisés du premier au troisième cycle fondamental (le cours élémentaire et le cours moyen) était de 2 078 361. D’après les mêmes données, si à la rentrée de 1962 on comptait 23 602 enseignants du primaire et du secondaire, dix années plus tard, à la rentrée de 1972, on en comptait 64 744, soit plus de 40 000 de plus. Ce qui était inenvisageable pour l’État colonial était devenu la réalité de l’État indépendant, au prix d’un investissement pour l’avenir et d’un effort considérable’’.
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