Cynisme géopolitique
Par A. Boumezrag – Si Gaza se transforme en enclave ultra-moderne avec son lot de palaces et de marinas, mais sans liberté ni autodétermination, alors elle sera juste une vitrine high-tech du cynisme géopolitique. L’article Cynisme géopolitique est apparu en premier sur Algérie Patriotique.
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Par A. Boumezrag – Il fut un temps où Gaza était synonyme de blocus, de ruines et de rapports de l’ONU aux conclusions aussi alarmantes que répétitives. Mais l’année 2025 marque le début d’une nouvelle ère, nous dit-on. L’heure de la reconstruction a sonné ! Exit les décombres, place aux gratte-ciels et aux yachts !
Certains rêvent d’une Gaza flambant neuve, inspirée de Doha, Miami ou Monaco. Une vision à la croque-monsieur de la géopolitique, croustillante dehors, mais toujours aussi indigeste dedans.
Un miracle méditerranéen sous perfusion ? Depuis quelques mois, les puissances occidentales et arabes nous vendent le grand récit de la «Gaza Start-up Nation». Finis les bombardements, place aux incubateurs de high-tech et aux plages privées où l’on sirotera des mojitos halal avec vue sur la mer. Le tout bien sûr sous haute surveillance, car moderniser ne veut pas dire libérer.
On nous explique que Gaza pourrait devenir «la perle de la Méditerranée», une région prospère et connectée. Mais qui financera ce Disneyland oriental ? Les Etats-Unis, la France, les Emirats, voire même l’Arabie Saoudite ? Chacun y allant de son petit pactole pour transformer ce «problème humanitaire» en opportunité d’investissement.
Doha ou dystopie ? Comparons ce qui est comparable. Doha, c’est une monarchie assise sur des réserves colossales de gaz et une main-d’œuvre sous-payée. Gaza, c’est une enclave exsangue, sous blocus depuis plus de quinze ans, avec une économie de survie et une population dont la moitié est au chômage. Imaginer que les mêmes recettes feront pousser une Silicon Valley sur du sable et des gravats relève du conte de fées.
Mais, après tout, ce ne serait pas la première fois que le monde transforme un désastre en business. On l’a vu en Irak avec les entreprises de reconstruction post-invasion, en Afghanistan avec l’argent de la «stabilisation», et même en Libye, où les contrats de reconstruction se négocient encore avant que la poussière des bombes ne soit retombée.
Pourquoi Gaza échapperait-elle à cette logique ?
Un futur sans passé ? Derrière ce vernis high-tech, une question demeure : un projet de développement peut-il éclore sur un terrain sans justice ni souveraineté ? L’histoire récente montre que les plans de modernisation sans enracinement politique réel ne sont que des parcs à thème destinés à enrichir quelques-uns et à masquer les problèmes.
Si Gaza se transforme en enclave ultra-moderne sous surveillance, avec son lot de palaces et de marinas, mais sans liberté ni autodétermination, alors elle sera juste une vitrine high-tech du cynisme géopolitique, un lieu où le luxe servira d’écran de fumée à une occupation sous une forme plus «vendable».
Un rêve pour les investisseurs, un cauchemar pour l’histoire.
L’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche en 2025 ne fait qu’ajouter du carburant à ce projet extravagant. Lors d’une conférence avec Benjamin Netanyahou, il a proposé de transformer Gaza en une «Riviera du Moyen-Orient», tout en suggérant le déplacement de la population gazaouie vers des pays voisins. Une idée rejetée avec indignation par l’Egypte et la Jordanie, qui refusent de jouer le rôle de variable d’ajustement d’un problème géopolitique que personne ne veut vraiment résoudre.
Pendant ce temps, l’armée israélienne prépare des «plans de départ volontaire» pour la population de Gaza, tandis que le Programme alimentaire mondial alerte sur une catastrophe humanitaire imminente. Mais qu’importe : les investisseurs se frottent les mains, déjà prêts à signer des contrats de «reconstruction».
Gaza sera-t-elle une success story ou un parc à thème pour diplomates et businessmen en quête de rentabilité ?
L’histoire récente nous enseigne qu’en géopolitique, les plus belles vitrines cachent souvent les pires cicatrices. Doha s’est bâtie sur des ressources naturelles et un réseau d’influence bien rodé. Gaza, elle, risque surtout d’incarner l’illusion du développement sous contrainte, où les capitaux coulent à flot pendant que les peuples, eux, restent à quai.
En fin de compte, Gaza ne deviendra pas Doha. Mais elle pourrait bien devenir le plus bel hologramme de la modernité fabriqué sur la misère, une carte postale high-tech envoyée au monde pour masquer une réalité brutale : un peuple qu’on veut déplacer, une terre qu’on veut rentabiliser et une histoire qu’on veut effacer.
A. B.
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