«Grand Theft Hamlet» sur MUBI: Un docu étonnamment émouvant mêlant «Hamlet» et GTA
GTA n’est pas qu’un monde de brutes, de carnages et de courses-poursuites contre les flics. Disponible sur MUBI depuis ce vendredi 21 février, le documentaire «Grand Theft Hamlet» nous prouve par son récit – celui de deux comédiens bien décidés à monter Hamlet à l’intérieur du jeu vidéo culte – qu’on peut y trouver plus […]

GTA n’est pas qu’un monde de brutes, de carnages et de courses-poursuites contre les flics. Disponible sur MUBI depuis ce vendredi 21 février, le documentaire «Grand Theft Hamlet» nous prouve par son récit – celui de deux comédiens bien décidés à monter Hamlet à l’intérieur du jeu vidéo culte – qu’on peut y trouver plus : un peu de poésie.
Par May L.
Nous sommes en janvier 2021, et le Royaume-Uni vient d’entrer dans son troisième confinement. Sam Crane et Mark Oosterveen, deux comédiens au chômage, ont pris l’habitude de trouver leur dose de réconfort en jouant ensemble à Grand Theft Auto Online, mode multijoueurs du jeu de rôle dans la ville fictive de Los Santos. Au détour d’un énième «car-jacking» foireux, les deux bandits tombent par inadvertance sur un amphithéâtre complètement désert. Personne dans les gradins, ni même sur scène. La voie est libre. L’un d’eux grimpe dessus. Une idée leur vient.
Ni une ni deux, les deux potes s’affairent au projet et enrôlent Pinny Grills, la compagne de Mark, pour filmer leur quête, son avatar la caméra au poing. Les auditions peuvent démarrer. Super. Mais comment faire adhérer des gens à leur idée tordue alors que tout le monde, ici, ne pense qu’à se tirer dessus et voler les voitures des autres ?
Le trio ne baisse pas les bras. Et leurs efforts finissent par payer. Après maintes tractations dans les rues virtuelles et un casting aussi sauvage que sanglant, une petite bande de parfaits inconnus – en bikini ou costume d’alien – accepte de se prêter au jeu. L’heure des répétitions a sonné et malgré plusieurs fusillades impromptues, la pièce se dessine.
Le concept, que ses deux créateurs espèrent être visionné en direct par de nombreux internautes, prend de la place, beaucoup de place dans leur tête et dans leur vie. Problème : Mark vient de décrocher un «vrai» boulot. Fini GTA. Son pote Sam est dépité. Lui, qui n’a ni travail ni famille à retrouver au moment de lâcher les manettes, misait gros dessus. Même si au fond, c’est quoi un «vrai» boulot ? «Etre ou ne pas être, telle est la question». Cette citation introspective, tirée de la scène d’ouverture du troisième acte de «Hamlet», prend, ici, tout son sens et offre au documentaire une profondeur étonnamment émouvante, relatant le sentiment d’abandon de beaucoup de personnes, lié à la perte de leur travail ou de leur vie sociable, pendant la pandémie de Covid-19.
Entre le récital sur un gigantesque ballon dirigeable et une super fête en boîte de nuit pour fêter – attention spoilers – le succès de la représentation, la suite de «Grand Theft Hamlet» enchaîne les séquences loufoques. Mais ne perd pas son fil rouge : le récit d’une évasion poétique dans GTA, un refuge beau mais grotesque, contradictoire et violent.
C’est très drôle et réussi, mais ce n’est pas la première fois qu’un documentaire est tourné à l’intérieur même d’un jeu vidéo, procédé marginal cantonné il y a encore quelques années à des expérimentations sur Internet. En 2024, le court-métrage autrichien «Hardly Working» a été projeté au Festival serbe Beldocs, et un film baptisé «Knit’s Island» est sorti en salles.
Saluée par plusieurs médias internationaux, dont le «Guardian» et «Vulture», l’œuvre de Sam Crane et Pinny Grills a toutefois déjà bien commencé à faire parler d’elle, comme peuvent en témoigner aussi plusieurs de ses récompenses, dont celle du prestigieux jury pour le meilleur docu au festival South by Southwest. Le chemin continue, ce vendredi, sur MUBI. Et non sans goutte de sang.
M. L.