La référence du pape à l’Algérien saint Augustin : pourquoi cela gêne la France
Par A. Boumezrag – Ce 8 mai 2025, une date déjà chargée de mémoire entre la France et l’Algérie, le... L’article La référence du pape à l’Algérien saint Augustin : pourquoi cela gêne la France est apparu en premier sur Algérie Patriotique.

Par A. Boumezrag – Ce 8 mai 2025, une date déjà chargée de mémoire entre la France et l’Algérie, le pape Léon XIV a prononcé une phrase pour le moins inattendue : «Je suis le fils de saint Augustin.» Si la formule paraît d’abord ésotérique, presque poétique, elle a pourtant provoqué une onde de choc dans les cercles diplomatiques et religieux. Qui est Augustin d’Hippone ? A défaut d’être un saint canonique connu, ce nom semble faire écho à un territoire, une histoire, un héritage africain oublié : celui de la chrétienté antique d’Afrique du Nord, et plus précisément de l’Algérie.
Ce n’est pas une coïncidence. Car c’est bien en Algérie, à Thagaste (actuelle Souk Ahras), qu’est né saint Augustin (354-430), l’un des plus grands penseurs du christianisme. Evêque d’Hippone (Annaba), philosophe, théologien, auteur des Confessions et de La Cité de Dieu, Augustin est à la fois africain, berbère de culture et figure fondatrice de l’Eglise d’Occident. Son œuvre, écrite en latin, a irrigué toute la pensée chrétienne médiévale, jusqu’à nos jours. Mais son origine africaine est souvent oubliée, voire volontairement gommée dans les récits dominants.
Le pape Léon XIV, en se réclamant de cet Augustin symbolique, semble vouloir réveiller cette mémoire enfouie. A travers lui, il rappelle que le christianisme ne vient pas seulement de Rome ou de Jérusalem, mais aussi d’Afrique – et qu’il est peut-être temps pour l’Eglise de regarder vers le Sud pour se ressourcer.
Mais ce geste n’est pas sans effets géopolitiques. Dans un contexte où les relations franco-algériennes demeurent tendues, tiraillées entre mémoire coloniale, repentance empêchée et discours contradictoires sur l’identité, la parole du pape agit comme un caillou jeté dans une eau dormante. Il vient dire, sans le dire frontalement : et si l’Algérie, que l’histoire coloniale a tenté de convertir de force, avait été, bien avant la colonisation, une terre du christianisme originel ?
Cette perspective dérange. La France, qui peine à regarder son passé colonial en face, pourrait y voir une remise en cause indirecte de son récit républicain universaliste. Et c’est précisément là que réside la force du message du pape. En convoquant symboliquement saint Augustin, il tend une passerelle entre des mémoires blessées, des racines spirituelles communes et une Méditerranée partagée. Un geste d’autant plus fort que le christianisme occidental est aujourd’hui en déclin démographique, alors que l’Afrique devient le nouveau cœur battant de la foi chrétienne.
Une géopolitique des mémoires
En 2025, l’Algérie ne peut plus être réduite à un simple champ de tensions franco-françaises sur la mémoire. Elle est aussi un acteur stratégique en Méditerranée, en Afrique et, désormais, peut-être dans une forme de diplomatie spirituelle mondiale. Car là où la France et l’Algérie se renvoient leurs contentieux mémoriels, le Vatican pourrait proposer un autre langage : celui de la mémoire partagée, non conflictuelle, enracinée dans la foi.
Il ne s’agit pas de reconvertir l’Algérie ni de réécrire son présent. Mais de reconnaître que saint Augustin, algérien d’origine, berbère de langue et romain de culture, a été l’un des fondateurs de la pensée chrétienne universelle. Cela seul suffit à rappeler que les chemins de la foi et de l’histoire sont plus entremêlés qu’on ne veut le croire.
La déclaration de Léon XIV agit comme un test. Ce message discret sera-t-il entendu ?
Il n’est pas anodin que cette phrase ait été prononcée en mai, mois chargé de mémoire coloniale et de crispations diplomatiques. Pas anodin non plus qu’elle vienne de Rome, qui fut un temps lointain la sœur de Carthage, avant d’en faire une province. L’ironie est là : ne dit-on pas que tous les chemins mènent à Rome – en passant, évidemment, par Alger ?
A. B
Ndlr : Le titre est de la rédaction. Titre originel : L’Algérie, matrice spirituelle du nouveau pape ?
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