L’Express ou la fabrique d’un imaginaire colonial sous habillage journalistique
Par Khaled Boulaziz – Le 9 mai 2025, l’hebdomadaire français L’Express a publié un dossier spécial consacré à l’Algérie, sous... L’article L’Express ou la fabrique d’un imaginaire colonial sous habillage journalistique est apparu en premier sur Algérie Patriotique.

Par Khaled Boulaziz – Le 9 mai 2025, l’hebdomadaire français L’Express a publié un dossier spécial consacré à l’Algérie, sous le titre principal : «Entre l’Algérie et la France, des relations sous tension». Présenté comme une série d’analyses sur la situation politique, économique et diplomatique du pays, ce dossier regroupe plusieurs articles couvrant notamment la défiance des autorités algériennes envers Paris, les enjeux énergétiques, les blocages de coopération et la posture de l’Algérie sur la scène internationale.
Derrière cette apparente pluralité journalistique, le dossier construit un récit orienté, où l’Algérie est dépeinte comme un Etat rigide, sourd aux appels au dialogue et mené par une élite militaire paranoïaque. Aucun article ne prend le soin de restituer la mémoire coloniale dans sa profondeur ni de rendre compte des ingérences économiques et symboliques françaises persistantes. Plus grave encore : cette offensive médiatique s’inscrit dans un paysage éditorial largement concentré, où L’Express, tout comme Libération, BFM TV, RMC ou i24News, appartient à l’empire financier de Patrick Drahi, homme d’affaires franco-israélien dont les orientations idéologiques et géostratégiques sont loin d’être neutres.
Cette forfaiture journalistique exige une réponse explicative à la hauteur. Car il ne s’agit plus simplement de commenter un article, mais bien de démasquer une opération éditoriale de recolonisation mentale.
Il ne s’agit pas d’un article. Il s’agit d’un dispositif. Un dossier de guerre. Un montage discursif froidement calibré par L’Express – bras médiatique d’un empire financier – pour reconfigurer la perception de l’Algérie dans l’opinion française et francophone, et plus subtilement encore, dans l’esprit des élites algériennes elles-mêmes. Ce n’est plus de l’information, c’est une campagne de récits toxiques.
La stratégie : produire la «crise algérienne» comme fatalité
Ce que vend L’Express, ce n’est pas une enquête, c’est une narration verrouillée, celle d’un pays ingouvernable, rongé par ses démons, incapable de réformes, arc-bouté sur une posture paranoïaque. L’Algérie y est toujours l’excès : trop militaire, trop islamique, trop nostalgique, trop anti-français. Jamais un mot sur le rôle historique de l’occupation, sur les humiliations diplomatiques postindépendance, sur le pillage des ressources, sur la dette morale jamais soldée.
Le «dossier» de L’Express ne rend pas compte de tensions diplomatiques réelles. Il les organise. Il les oriente vers une seule conclusion : la responsabilité incomberait entièrement au régime algérien, présenté comme obtus, figé, dépassé. Rien n’est dit sur l’arrogance néocoloniale française, sur l’obsession d’infiltrer les élites culturelles, sur le chantage mémoriel permanent. L’intention est claire : imposer un récit unilatéral de «l’échec» algérien pour masquer la continuité coloniale de la France.
La fabrique : un empire médiatique aux mains d’intérêts extranationaux
Ce dossier n’est pas né dans une rédaction libre. Il a été conçu dans un écosystème contrôlé par Patrick Drahi, homme d’affaires franco-israélien à la tête d’un empire médiatique tentaculaire. Que cet empire s’adresse massivement aux pays du Maghreb – notamment à travers la diffusion de BFMTV en Algérie – n’est pas un hasard. Il s’agit d’une opération d’ingénierie narrative, visant à affaiblir les représentations collectives algériennes, à désorienter sa jeunesse, à casser les réflexes de souveraineté.
Patrick Drahi ne fait pas de journalisme. Il fait de l’idéologie à haute fréquence. Sa chaîne i24News, basée en Israël, diffuse en français, en arabe et en anglais, et sert de cheval de Troie du soft power sioniste dans les espaces postcoloniaux. Cette logique est désormais étendue à L’Express, qui prend l’Algérie pour cible, avec une série de textes faussement pluralistes, mais profondément orientés.
Ce n’est pas un hasard si l’un des chapitres de ce dossier s’intitule «Les autorités algériennes ont un problème avec la France». Cette phrase, en elle-même, est une agression sémantique. Elle infantilise un Etat souverain, le renvoie à un trouble psychologique, comme si l’Algérie n’était pas un acteur rationnel mais un patient névrosé. Ce renversement accusatoire est un classique des récits coloniaux, remis au goût du jour par une presse financiarisée.
L’objectif : préparer l’Algérie à une recolonisation douce
Qu’attendent ces médias de l’Algérie ? Une soumission culturelle. Une réintégration de l’élite francophone dans les circuits du pouvoir hexagonal. Une renonciation à ses alliances africaines, arabes, russes ou chinoises. Une normalisation avec Israël. Et, surtout, un silence absolu sur la Palestine.
Le crime de l’Algérie n’est pas d’être autoritaire – tant de régimes autoritaires sont encensés en Occident. Le crime de l’Algérie, c’est de ne pas plier. De continuer à affirmer une parole indépendante dans les forums internationaux. De refuser de reconnaître la souveraineté israélienne sur Jérusalem. De soutenir le peuple palestinien malgré les pressions. Ce crime ne peut être dit. Il est donc remplacé par une pathologisation permanente de l’Algérie.
L’urgence : résister par la reconquête symbolique
L’Algérie ne pourra pas gagner cette guerre si elle reste spectatrice. Elle doit créer ses propres plateformes médiatiques de portée internationale, pour répondre coup pour coup aux récits mensongers, former une génération de journalistes, de diplomates, d’intellectuels de combat capables de porter une voix souveraine, multiplier les alliances stratégiques dans le Sud Global (Afrique, Amérique latine, Asie) pour sortir du monopole narratif occidental et éduquer sa jeunesse à la lecture critique des médias, en leur révélant les structures de propriété et les arrière-plans idéologiques.
Ce n’est pas un dossier sur l’Algérie. C’est un acte de guerre.
L’Express ne parle pas à l’Algérie. Il parle contre elle. A travers ce «dossier», il s’adresse à l’appareil d’Etat français, aux chancelleries, aux banquiers, aux investisseurs, en leur disant : «Regardez cette Algérie arrogante, rétive, archaïque, il est temps de la remettre à sa place !» Il faut, pour cela, disqualifier sa parole, salir son image, marginaliser sa diplomatie. L’arme n’est plus le fusil. C’est l’info.
Mais la riposte doit être à la hauteur. Il ne s’agit pas de réagir. Il s’agit d’occuper le terrain symbolique, de créer un contre-discours offensif, de dire : l’Algérie ne sera jamais un protectorat éditorial, ni une succursale télévisuelle de Neuilly ou de Tel-Aviv. Si elle parle fort, c’est qu’on a longtemps voulu l’éteindre. Et si elle dérange, c’est qu’elle existe encore et qu’elle est plus forte que jamais.
K. B.
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