Les Etats-Unis suspendent leurs livraisons à l’Ukraine
La suspension par les Etats-Unis de leur aide militaire à l’Ukraine est une suite logique, en premier lieu bien sûr à l’esclandre du Bureau ovale, mais aussi au sommet européen de Londres, qui n’a abouti à rien de concret mais où ses participants se sont appliqués en revanche à mettre en scène leur préférence […]

La suspension par les Etats-Unis de leur aide militaire à l’Ukraine est une suite logique, en premier lieu bien sûr à l’esclandre du Bureau ovale, mais aussi au sommet européen de Londres, qui n’a abouti à rien de concret mais où ses participants se sont appliqués en revanche à mettre en scène leur préférence de Volodymyr Zelensky par rapport à Donald Trump, ce qui, on s’en doute, n’a guère plu à Washington. Les effets de cette décision ne se feront pas sentir par l’armée Ukraine dans l’immédiat, mais dans quelques semaines, quand en particulier son stock de missiles antiaériens se sera épuisé. A ce moment, tous les tirs russes ou à peu près feront mouche, à supposer que les hostilités se poursuivent sans aucune offensive russe qui viendrait hâter l’effondrement des forces ukrainiennes. On serait dans cette situation au printemps, ou au plus tard au début de l’été, mais guère plus loin. En principe, les livraisons européennes devraient se poursuivre, mais pas de la part tous les pays ayant pris part au sommet de Londres.
Certains d’entre eux, comme l’Italie, ou plutôt le gouvernement Meloni, ne voudrait surtout pas paraître agir exprès à rebours des Américains, par crainte de compromettre la relation privilégiée de sa cheffe à l’administration Trump. Chacun a pu constater en effet que dès lors qu’il est question de l’Italie, Trump se lance dans l’éloge de Georgia Meloni. Reste à savoir si au fond les Européens ne sont pas dans les mêmes sentiments que l’Italie, peu désireux eux aussi de rien faire qui soit susceptible de les signaler négativement à l’attention vindicative de Washington. Même la France ne voudrait pas en l’espèce se distinguer par une attitude exactement inverse de celle des Etats-Unis, laquelle serait d’augmenter ses livraisons à l’Ukraine pour compenser la suspension américaine, à supposer qu’elle le puisse matériellement. L’Allemagne quant à elle a l’excuse de ne pouvoir rien décider du tout, son gouvernement actuel étant astreint à la gestion des affaires courantes. La Grande-Bretagne, elle par contre, n’aurait pas d’excuse de faire autrement qu’augmenter ses livraisons, elle qui a pris l’initiative d’organiser le sommet de Londres, et qui juste auparavant avait accordé un prêt substantiel à l’Ukraine ayant ceci de particulier qu’il était garanti par les avoirs russes gelés, une décision en contradiction avec le droit international comme avec le sens commun. Cette notion à l’origine est britannique, ou plutôt anglaise, mais le président américain et les membres de son administration se la sont appropriés. Cependant, on sent déjà un certain flottement dans l’attitude des Britanniques, qui se sont empressés de démentir les propos du président français selon lesquels les Européens seraient tombés d’accord pour proposer un cessez-le-feu d’un mois, au cours duquel les négociations auraient lieu en vue d’une paix durable. Rien de tel n’a été décidé, ont-ils objecté aussitôt, moins pour rétablir la vérité que pour détromper Washington. La réalité, c’est que les Européens sont des vassaux des Etats-Unis depuis longtemps. S’aligner sur eux sur les questions cruciales est devenu chez eux une seconde nature. Pour la première fois les Etats-Unis ont une administration qui se sent plus d’affinités avec les Russes qu’avec eux, et qui surtout ne s’en cache pas. C’est là quelque chose de terrible qui leur arrive, qui exige du temps avant d’être digéré, qui impose une révision aux conséquences pour l’heure incalculables.