Vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué

  Même en annonçant qu’il ne procèderait pas aux libérations programmées samedi prochain, aux termes de l’accord avec Israël, le Hamas a néanmoins fait preuve de bonne volonté, s’y prenant de façon à laisser suffisamment de temps aux parties intermédiaires pour amener l’ennemi au respect strict de ses engagements. Cinq jours entiers pour ce faire, […]

Fév 11, 2025 - 19:59
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Vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué

 

Même en annonçant qu’il ne procèderait pas aux libérations programmées samedi prochain, aux termes de l’accord avec Israël, le Hamas a néanmoins fait preuve de bonne volonté, s’y prenant de façon à laisser suffisamment de temps aux parties intermédiaires pour amener l’ennemi au respect strict de ses engagements. Cinq jours entiers pour ce faire, c’est plus qu’il n’en faut en effet pour qu’Israël cesse ses violations de ce qui a été convenu et consigné minutieusement par écrit. C’est ainsi qu’il a ralenti le retour des déplacés vers le nord, qu’il a fait tirer à plusieurs reprises sur eux depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, en faisant tuer et blesser plusieurs d’entre eux, et qu’il a empêché l’entrée en quantité suffisante de produits de première urgence, nécessaires notamment à l’hébergement temporaire mais également à la reconstruction. Le «plan de développement» de Ghaza conçu par Donald Trump, qui consiste à faire de Ghaza la Riviera du Moyen-Orient, mais seulement après avoir déporté sa population, n’a évidemment guère incité les Israéliens à s’en tenir scrupuleusement aux dispositions de l’accord. Quel intérêt y a-t-il à laisser rebâtir à l’identique un pays destiné à être vidé de ses habitants actuels ? Aucun

Il faudrait au contraire entraver par tous les moyens possibles le passage de matériaux sans lesquels il n’est pas de reconstruction possible. Benjamin Netanyahou est rentré de Washington plus que jamais confiant en sa bonne étoile, en sa vision de l’avenir de Ghaza en particulier, projet d’autant plus réalisable qu’il recoupe sur l’essentiel celui d’un Trump que rien ne semble susceptible d’arrêter, ni sur le plan interne ni sur le plan externe. Jusque-là il s’employait à faire en sorte que le Hamas disparaisse du décor. Mais voilà que Trump lui offre mieux : que s’en aille en même temps que lui toute la population de Ghaza. Il est preneur, forcément, même si au départ pour lui l’avenir de Ghaza se présentait sous un jour quelque peu différent. Tout comme Trump, il la voyait sans Ghazaouis, sur ce point ils sont en parfaite harmonie, à ceci près qu’à ses yeux ils seraient remplacés par des colons israéliens, ce qui n’est pas tout à fait la vision qu’en a Trump. Reste qu’entre eux l’entente est parfaite sur un point essentiel : l’élimination du Hamas. Un seul problème persiste, c’est qu’il faut apparemment compter encore avec lui. Ainsi en atteste la décision prise par lui de reporter les prochaines libérations d’otages jusqu’au moment où Israël aura rattrapé le retard qu’il a pris dans l’exécution de sa part de l’accord. C’est un peu comme si quelqu’un les a interpellés d’outre-tombe. Ils ont vendu la peau de l’ours avant de l’avoir tué, autrement dit. Trump en particulier s’attendait si peu à ce que le Hamas ait encore des exigences à formuler qu’il est sorti dans sa réaction du cadre de l’accord, se mettant à le menacer d’enfer s’il ne relâche pas dès samedi tous les otages encore sous sa main, pas seulement ceux qu’il avait l’intention de libérer samedi prochain. Netanyahou, lui, en est resté sans voix. C’est que de son point de vue la décision du Hamas est une violation inexpiable de l’accord, un cas de force majeure, dont la seule suite logique est la rupture du cessez-le-feu, la reprise des hostilités. Il se préparait à introduire dans les discussions de Doha la question du départ obligatoire des dirigeants du Hamas, et voilà que celui-ci s’avise de parler comme s’il était encore vivant et qu’il avait un avenir.