8 mai 1945: Le tournant vers l’indépendance
La longue marche du mouvement national a été laborieuse. En effet, depuis les Jeunes algériens au tournant des années 1910, à la lettre de l’Emir Khaled au président Wilson en 1919, à la création de l’Etoile Nord-Africaine (ENA) en 1926 et son programme indépendantiste, relayé par le Parti du Peuple Algérien (PPA) en 1937, de […] The post 8 mai 1945: Le tournant vers l’indépendance appeared first on Le Jeune Indépendant.

La longue marche du mouvement national a été laborieuse. En effet, depuis les Jeunes algériens au tournant des années 1910, à la lettre de l’Emir Khaled au président Wilson en 1919, à la création de l’Etoile Nord-Africaine (ENA) en 1926 et son programme indépendantiste, relayé par le Parti du Peuple Algérien (PPA) en 1937, de la fédération des Elus durant les années 1930 et l’Association des Oulémas musulmans d’Algérie depuis 1931, cette longue marche avait abouti après le débarquement des Alliés en novembre 1942, au Manifeste du peuple algérien, présenté par Ferhat Abbas aux autorités alliées.
Le 14 mars 1944, le mouvement des Amis du Manifeste et de la Liberté (AML) est fondé à Sétif par Ferhat Abbas. Véritable creuset du nationalisme algérien, il regroupa tous les courants nationalistes, de sa matrice, allait naitre une dynamique politico-révolutionnaire qui culmina autour de mars-mai 1945.
En cette période de grand foisonnement politique et à la lumière de la victoire des Alliés sur le nazisme et le fascisme, les militants algériens ont manifesté leur revendication d’accéder au rang d’une nation libre, en association avec une métropole, démystifiée par la défaite de juin 1940 et la forfaiture de la collaboration pétainiste.
Le gouvernement du général De Gaulle ne l’entendait pas de cette oreille-là ! Aux revendications politiques, les cercles colonialistes ont répondu par des massacres de masse : exécutions sommaires, razzias anti-algériennes, utilisation des fours à chaux pour calciner les cadavres des Algériens assassinés. Le chiffre officiellement admis, celui de 45 000 martyrs durant le printemps 1945 dans le constantinois essentiellement parait bien en dessous de la réalité. Le trauma était d’une telle ampleur, que les rescapés politiques du PPA indépendantiste allaient préparer les conditions réelles d’un soulèvement organisé, national et irréversible.
Les massacres du 08 mai 1945 furent un véritable déclic pour le peuple algérien. En février 1947, des jeunes militants emmenés par Mohamed Belouizdad décident de créer une organisation spéciale (OS), clandestine et parallèle au PPA devenu MTLD, le Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques. Belouizdad, Aït Ahmed, Boudiaf, Ben Bella et leurs compagnons entendaient préparer le peuple algérien, politiquement, psychologiquement et matériellement à une guerre révolutionnaire totale, contre l’avis du vieux patriarche Messali Hadj, désormais plus enclin aux joutes politiques qu’aux équipées révolutionnaires.
Le 20 août 1947, les quatre députés MTLD élus à l’Assemblée française : Mohamed Lamine Debaghine, Ahmed Mezerna, Messaoud Boukadoum et Djamel Derdour traduisaient en joutes oratoires les revendications nationalistes d’une Algérie indépendante et souveraine. Cette date allait résonner huit ans plus tard dans le nord-constantinois avec les attaques organisées par Zighout Youcef contre le colonat. Le 20 août 1955 était un double écho : celui des massacres du 08 mai 1945, en plus d’être l’écho des discours des parlementaires du MTLD le 20 août 1947.
Si le 20 août 1955 n’a été possible qu’après le déclanchement de la révolution du 1er novembre 1954, cette dernière été la maturation d’une réflexion née au printemps 1945 sur la nécessaire violence du colonisé pour répondre à la violence du colonisateur comme l’a théorisé Frantz Fanon. La cheville ouvrière qu’était l’OS, malgré sa découverte et son démantèlement par les autorités coloniales, a réussi à mobiliser des jeunes militants du PPA-MTLD qui, durant la crise de cette formation allaient lancer le CRUA, le Comité Révolutionnaire pour l’Unité et l’Action, matrice du Groupe des 22, réuni en juillet 1954, et qui prépara la dynamique révolutionnaire avec le groupe des Six puis des Neuf, rédacteur de la proclamation du 1er novembre 1954.
La révolution lancée la nuit de la Toussaint a bouleversé non seulement les rapports de forces entre Algériens et Français, mais allait faire sombrer la IVème République en France métropolitaine, sans pour autant permettre à la Vème République, née avec le rappel du général De Gaulle aux affaires, suite au putsch d’Alger le 13 mai 1958, de gagner la bataille de l’opinion publique et également celle du terrain face au Front de Libération National (FLN), et l’Armée du Libération Nationale (ALN).
L’énorme mouvement de solidarité internationale engrangé par la révolution algérienne au-delà des frontières du monde arabe, s’est concrétisé d’une manière spectaculaire lors de la conférence de Bandung en avril 1958. Le FLN est invité à la table des ténors du non-alignement. Outre l’Egypte de Nasser, c’est l’Inde de Nehru et surtout la Chine de Mao, représentée par Chou En Laï qui vont apporter une aide diplomatique, symbolique et finalement matérielle à la révolution algérienne.
Le pacte chinois
Ce n’est donc par un hasard si le premier pays non arabe et non musulman a reconnaitre le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA), proclamé le 19 septembre 1958, était la République populaire de Chine, le 22 septembre 1958, soit trois jours seulement après sa proclamation.
Et ceci n’est pas un hasard. La Chine, sous la direction de Mao Zedong, voyait dans la lutte algérienne contre le colonialisme français une résonance avec sa propre histoire de résistance anticoloniale. Ceci s’inscrit dans la droite ligne de la double stratégie de rupture de Mao : rupture avec l’impérialisme occidental avec un plus grand rapprochement avec les peuples qui partagent les mêmes valeurs de justice et de souveraineté.
D’ailleurs, après la victoire communiste en 1949, Pékin s’est illustré au sein du mouvement des non-alignés par une politique qui favorise la lutte des peuples pour leur souveraineté dans tous les domaines. Pour certains analystes de l’époque, la Révolution algérienne offrait à la Chine une opportunité de soutenir une cause révolutionnaire alignée sur les principes socialistes et anti-impérialistes tels que définis par Mao.
Sur ce registre, Pékin a misé sur trois niveaux de soutien. Le soutien diplomatique au GPRA dans les fora internationales, le soutien militaire et le soutien logistique. La reconnaissance du GPRA par la Chine a été un catalyseur pour les autres pays socialistes à l’instar du Vietnam et de la Mongolie. L’accueil réservé en octobre 1960 au président du GPRA, Ferhat Abbas à Beijing est digne d’un chef d’Etat. La poignée de main Abbas-Chou a fait le tour du monde signifiant que la Chine de Mao se tenait aux cotés de la révolution algérienne.

Krim Belkacem saluant Mao
Le soutien militaire de la Chine à la Révolution algérienne a été significatif, bien que discret et principalement non interventionniste, s’inscrivant dans une logique de solidarité anticoloniale et de promotion de l’idéologie révolutionnaire partagée par plusieurs mouvements en Afrique et en Amérique latine. Ainsi, entre 1958 et 1962, la Chine a fourni des armes, des fonds et du matériel à l’Armée de libération nationale (ALN), le bras armé du FLN. Ce soutien, souvent acheminé via l’Égypte de Nasser, incluait des armes légères et des munitions.
Par ailleurs, des officiers algériens ont été formés en Chine, où ils ont étudié les tactiques de guérilla inspirées des stratégies maoïstes, notamment celles utilisées lors de la Longue Marche. L’ALN s’est inspirée de ces tactiques pour mener une guerre asymétrique contre les forces françaises, utilisant le terrain à leur avantage.
En plus des soldats de l’armée de terre, la Chine a formé des pilotes algériens. Une cinquantaine de moudjahidines sont passés par les écoles d’aviation de la Chine entre 1959 et 1962, comme si la certitude que le pays allait se libérer était inébranlable autant pour les chinois que les combattants algériens. D’ailleurs, à cette occasion des vétérans ayant bénéficié de cette formation vont effectuer une visite sous peu en Chine. L’occasion leur sera donnée de visiter les écoles d’aviation, les classes et chambres pour se remémorer les moments de lutte avec leurs frères chinois.
Il est indéniable que la Chine a offert un soutien politique et militaire aux combattants algériens. Ce soutien était conçu pour éviter une implication militaire directe, préservant l’autonomie du FLN dans l’optique d’instaurer une amitié durable avec l’Algérie. L’impact fut davantage psychologique que réel.
A ce propos, le soutien chinois a été qualifié d’« admirable » par Khalfa Mammeri, ancien ambassadeur algérien, en raison de son timing crucial, lorsque l’Algérie était isolée. Contrairement aux pays arabes, qui ont souvent attendu l’imminence de l’indépendance pour s’engager, la Chine a agi dès 1958, renforçant le moral des combattants et la visibilité internationale de la cause algérienne. La visite de Ferhat Abbas, président du GPRA, en Chine en 1960, et sa rencontre avec Mao Zedong, ont symbolisé cette solidarité.
Plus concrètement, le soutien militaire chinois était assujetti à l’éloignement géographique, les ressources disponibles. Par contre ceci n’a pas empêché les autorités chinoises d’etre aux avant-postes de ce soutien inégalé. A contrario, l’URSS, qui a hésité à s’engager pleinement pour ménager ses relations avec Paris, la Chine a adopté une posture plus audacieuse, mais ses moyens étaient moindres.
Sur le plan des idées et de leur matérialisation sur le terrain géopolitique, le soutien chinois s’inscrivait dans une stratégie plus large de promotion d’un « front uni » contre l’impérialisme occidental, en particulier les États-Unis. En soutenant le FLN, la Chine affirmait son rôle de champion des luttes de libération nationale.
L’Algérie indépendante sera reconnaissante à cette solidarité chinoise. La diplomatie algérienne a joué un rôle clé dans l’adoption de la résolution 2758 en 1971. Celle-ci a permis à la République populaire de Chine de reprendre le siège de la Chine au Conseil de sécurité. Cette convergence, née de la lutte contre l’impérialisme et le colonialisme allait cimenter les relations algéro-chinoises, promises à un plus grand raffermissement sur tous les plans.
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