Par Ahmed Gasmia
Les jours de la semaine nous parlent. Ils nous disent des choses et nous racontent une partie de l’histoire vécue par les peuples. Oui, c’est poétique mais c’est surtout vrai. Et dans la langue française, les jours de la semaine ne parlent pas français mais latin et ils sont même païens, pour la plupart. Il est surprenant de constater que les noms des jours de la semaine dans la langue de Richelieu validés, il y a longtemps, disons-le, par une Eglise plutôt rigide ne sont pas très…catholiques. Ils évoquent, hérésie suprême, des noms de divinités romaines. Du moins, pour un bon nombre d’entre eux. Commençons par mercredi, au hasard. Le mot mercredi vient du latin « Mercurii dies », autrement dit le jour de Mercure qui désigne le Dieu romain (Mais bien sûr que les Dieux romains sont imaginaires) des commerçants qui a aussi donné le mot « mercuriale » en français (si, si la mercuriale, ce tableau où sont écrits les prix des produits du marché). Avec jeudi , on monte plus haut dans la hiérarchie puisqu’il s’agit du jour de Jupiter (Jovis dies) le chef des démiurges romains. Le big boss. Vendredi, lui, évoque la belle Vénus (Veneris dies). Samedi, par contre, vient de « sabbati dies » en latin et qui veut dire « jour de shabbat ». Il a donc une origine juive. Précisons ici que les premiers chrétiens considéraient ce jour comme important. Un héritage biblique qui vient de l’Ancien Testament. (Héritage, testament! Oui, moi aussi j’ai remarqué). Bref. A l’origine, chez les Romains, samedi était le jour de Saturne. Aujourd’hui, cette appellation n’a pas totalement disparu dans d’autres langues comme l’anglais qui donne » Saturday », qui vient de « Dies saturni ». Vous aussi vous avez remarqué que le mot » dies » ne tenait pas en place…parfois à gauche, parfois à droite! Ça aussi, c’est une longue histoire. Dimanche (Dominicus dies), on le sait bien, est le jour sacré des chrétiens. C’est le jour que l’Eglise s’est clairement approprié puisqu’il veut dire jour du Seigneur (comprendre le Dieu unique). Avant cela, chez les Romains, dimanche était le jour du soleil ou « Dies solis » et là encore on en trouve une trace en anglais (Sunday qui vient de sun : soleil et day : jour). Même chose en allemand avec le mot « Sonntag » (Sonne: soleil et tag: jour). Lundi (Lunis dies) est le jour de la lune. En anglais, cela a donné Monday qui fait référence à « moon » qui veut dire lune et en allemand « Montag » (Mond signifie lune en allemand). Enfin, mardi était le jour de la divinité de la guerre Mars (Martis dies). Notons, au passage, que le nom du mois de mars a la même origine que celui de mardi. Mais comment se fait-il que les chrétiens aient toléré le maintien de ces noms païens? Eh bien, ils l’ont fait pour des raisons pratiques, nous disent les spécialistes. L’idée était de faciliter la transition vers la nouvelle religion pour les païens et d’éviter de bousculer les choses. Ça a plutôt bien marché car au bout de quelques générations, on ne savait plus vraiment ce que signifiaient les noms des jours de la semaine. Il est intéressant de constater, par ailleurs, qu’en arabe, le mot « Djoumouaa » désignant le vendredi est apparu avec l’islam. En arabe pré-islamique, le vendredi était appelé « Al Arouba » ( ?????????? ). Etymologiquement, le « nouveau » nom évoque le jour du regroupement des musulmans. Les autres jours de la semaine arabe n’ont pas posé problème, puisqu’il s’agit de noms numériques sans connotation religieuse particulière. De manière générale, le maintien de certains noms païens dans une langue nous montre à quel point il est difficile de changer des habitudes bien établies. Il met en relief aussi l’importance de faire preuve de souplesse lorsqu’il s’agit d’imposer de nouvelles idées. Les jours, mais aussi les mois et tout un ensemble de mots de notre quotidien nous parlent et nous racontent les histoires des anciens. Il nous suffit d’être attentifs.
En attendant le prochain CQCM, faites attention aux mots.
A. G.