Hassan Menouar, président de l’association Amane : «Mourir d’une intoxication alimentaire en 2025 est inacceptable»

Chaque été, les intoxications alimentaires reviennent en force, alimentées par la chaleur, le non-respect de la chaîne du froid, l’absence de contrôle rigoureux et le manque de vigilance des consommateurs. Dans cet entretien, Hassan Menouar, président de l’association Amane de protection des consommateurs, dresse un constat alarmant et appelle à des mesures urgentes et structurées. […] The post Hassan Menouar, président de l’association Amane : «Mourir d’une intoxication alimentaire en 2025 est inacceptable» appeared first on Le Jeune Indépendant.

Juil 15, 2025 - 20:07
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Hassan Menouar, président de l’association Amane :  «Mourir d’une intoxication alimentaire en 2025 est inacceptable»

Chaque été, les intoxications alimentaires reviennent en force, alimentées par la chaleur, le non-respect de la chaîne du froid, l’absence de contrôle rigoureux et le manque de vigilance des consommateurs. Dans cet entretien, Hassan Menouar, président de l’association Amane de protection des consommateurs, dresse un constat alarmant et appelle à des mesures urgentes et structurées. Il insiste sur l’importance d’éduquer, de sanctionner et d’accompagner pour éviter des drames évitables. Plus qu’un problème de santé, M. Menouar estime qu’il s’agit d’un enjeu de civilisation et de l’image de l’Algérie.

Le Jeune Indépendant : Chaque été, les cas d’intoxication alimentaire semblent se multiplier. Quelles sont, selon vous, les principales causes de ce phénomène saisonnier ?

Hassan Menouar : Il est vrai que les intoxications alimentaires connaissent un pic chaque été, mais cela ne veut pas dire qu’elles n’existent pas le reste de l’année. On en recense régulièrement, que ce soit dans les résidences universitaires, les cantines scolaires, lors de réunions familiales, ou encore chez les personnes qui mangent souvent à l’extérieur, dans des fast-foods, des restaurants, ou même à la maison.

Dans la majorité des cas, ces intoxications sont liées à des erreurs dans la gestion des repas ou la conservation des aliments. En été, le danger est amplifié par la chaleur, qui accélère la prolifération des bactéries et la dégradation des produits alimentaires, en particulier lorsqu’ils sont mal stockés, mal transportés, ou conservés à des températures inappropriées.

Cela se produit notamment lorsque la chaîne du froid est rompue, ou en cas de manque d’hygiène, que ce soit dans les restaurants, les petites unités de production ou les ateliers artisanaux. Il arrive aussi que les règles de sécurité sanitaire, comme les normes HACCP, ne soient tout simplement pas respectées.

La période estivale aggrave les choses, car nous avons tendance à manger plus souvent à l’extérieur : en vacances, en déplacement, en pique-nique ou lors d’événements familiaux. Il arrive alors que l’on consomme des aliments dans des conditions douteuses. Les enfants en bas âge, plus sensibles, peuvent être les premières victimes si un plat a été mal préparé ou stocké de façon inadéquate.

Autre source d’inquiétude : certains commerçants, pour réduire leur facture d’électricité, éteignent leurs congélateurs pendant la nuit. Résultat : les aliments sont décongelés puis recongelés, une pratique extrêmement dangereuse. Des produits comme les laitages, s’ils ne sont pas conservés à la bonne température, peuvent alors devenir toxiques, voire mortels.

Avez-vous constaté une augmentation des signalements ou plaintes de la part des consommateurs cette année ?

Il faut savoir que les intoxications alimentaires surviennent toute l’année, mais elles sont particulièrement fréquentes en été. Et cette année, la saison ne fait que commencer. Les vacances approchent, les regroupements familiaux, les fêtes, les sorties au restaurant ou les repas en collectivité vont se multiplier… Dans ce contexte, il est illusoire de penser qu’il n’y aura pas de cas d’intoxication alimentaire. Il y en aura, c’est certain. Ce qu’on espère surtout, c’est qu’il y en aura moins que les années précédentes.

Peut-on vraiment faire une comparaison d’une année à l’autre ?

Pas vraiment, car nous ne disposons ni de chiffres précis ni de statistiques complètes. L’Institut national de santé publique (INSP), à travers les services de santé publique, peut avoir des données, mais elles restent très limitées et parfois peu représentatives parce que les intoxications alimentaires sont des événements déclaratifs. Elles ne sont comptabilisées que si elles sont signalées officiellement. Et, malheureusement, beaucoup de cas ne sont pas déclarés.

Quels sont les produits ou les aliments les plus souvent mis en cause dans ces intoxications ?

Parmi les produits alimentaires les plus souvent mis en cause dans les intoxications, la viande hachée arrive en tête. A notre niveau, nous estimons qu’elle devrait être interdite à la vente durant l’été. Non seulement ce n’est pas un aliment essentiel, mais elle représente aussi un réel danger pour la santé.

La viande hachée est un produit très sensible, la moindre erreur de conservation peut la rendre toxique. Et avec les fortes chaleurs, le risque ne fait qu’augmenter. Il faut savoir que le manque de culture de consommation et l’hygiène parfois négligée chez certains bouchers, la situation devient préoccupante.

Les grandes fêtes familiales, où elle est souvent utilisée en grande quantité, amplifient le risque. D’autres produits fragiles, comme les laitages, certains fruits ou le poisson vendu en bord de route sous le soleil posent également un réel danger pour la santé.

Le problème vient-il principalement d’un manque de vigilance des consommateurs ou d’un défaut de contrôle de la part des autorités et des commerçants ?

Oui, le consommateur a une part de responsabilité. Les intoxications alimentaires sont souvent évitables si chacun adoptait un minimum de vigilance, avec une vraie culture de l’hygiène et de consommation responsable. Malheureusement, beaucoup de gens sont très exigeants quant à l’entretien de leur voiture, par exemple, mais ne font pas preuve du même souci quand il s’agit de leur alimentation ou de celle de leurs enfants.

Mais cette responsabilité ne repose pas uniquement sur le citoyen. L’Etat a aussi un rôle central à jouer. Dans un contexte où la culture de consommation est encore faible, le contrôle sanitaire doit être renforcé. Il ne suffit pas de faire un simple contrôle administratif : il faut accompagner, former les commerçants, mais aussi sanctionner fermement ceux qui mettent en danger la santé des consommateurs.

Je dirais que les intoxications alimentaires sont un problème de santé publique pris au sérieux par les autorités sanitaires. Depuis les années 1970, des efforts importants ont été déployés pour développer le système de santé : hôpitaux, polycliniques, formations, équipements…

Mais malgré ces avancées, la prévention reste le maillon faible. Elle souffre d’un manque d’implication à plusieurs niveaux : du côté des consommateurs, des agents de contrôle et des institutions concernées. Or, prévenir vaut mieux que guérir, surtout dans un pays qui ambitionne de progresser sur tous les plans.

Aujourd’hui, ce type de négligence porte atteinte à l’image de l’Algérie. Mourir d’une intoxication alimentaire en 2025 est inacceptable. Cela contredit la vision d’une Algérie moderne, responsable et tournée vers l’avenir.

Quels conseils pratiques donneriez-vous aux consommateurs pour éviter les intoxications ?

En matière d’intoxication alimentaire, la prudence est essentielle. Il vaut mieux, parfois, avoir un peu faim que de tomber malade pour avoir mangé un produit douteux. Les parents ont un rôle clé à jouer : un enfant ou un adolescent ne devrait pas être responsable des achats ou décider seul de ce qu’il mange. C’est aux adultes de faire les bons choix, de dire non quand il le faut.

Il est aussi important que les parents soient informés et formés. Choisir des produits adaptés à la saison, savoir comment transporter les aliments sensibles, utiliser des glacières ou sacs isothermes, ranger rapidement les courses en respectant les températures : frais entre 4°C et 6°C, surgelés à -18°C.

On prend le temps de se renseigner sur nos téléphones ou nos voitures, mais pas assez sur ce que l’on mange. Or, cela touche directement notre santé. Je dirai que manger, c’est aussi une responsabilité. Cela demande des choix éclairés, surtout en été.

Quels réflexes adopter lorsqu’on soupçonne une intoxication alimentaire ? Et comment signaler un incident ?

En cas de suspicion d’intoxication alimentaire, il faut consulter immédiatement un médecin, à l’hôpital, en polyclinique ou en cabinet privé, et surtout éviter l’automédication, qui peut aggraver la situation.

Il est aussi essentiel d’alerter les services compétents, à savoir le bureau d’hygiène de la commune (APC), police, gendarmerie, direction du commerce ou associations de consommateurs. Ces derniers peuvent intervenir rapidement pour identifier la source du problème et prévenir d’autres cas.

Pour réagir efficacement, chaque citoyen devrait avoir les numéros utiles enregistrés sur son téléphone (bureaux d’hygiène, inspection du commerce, associations, etc.). C’est un réflexe de prévention et une preuve de consommation responsable.

Selon vous, quelles sont les mesures à prendre en urgence pour réduire significativement les risques à l’avenir ?

Pour lutter efficacement contre les intoxications alimentaires, il faut combiner mesures immédiates et actions de long terme. Le risque n’est pas limité à l’été : dans plusieurs régions d’Algérie, notamment dans le Sud, la chaleur dure plus de six mois par an. La priorité est l’éducation à l’hygiène, à la santé et à la consommation responsable, dès l’école, mais aussi à travers les médias, les mosquées, les associations et les réseaux sociaux.

Il est aussi temps de mettre en place une véritable “police de la consommation”, avec des pouvoirs élargis pour contrôler, sanctionner et protéger la santé publique. Enfin, seule une mobilisation collective – Etat, société civile, médias, citoyens – permettra d’élever durablement la culture de consommation en Algérie.

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