Huit martyrs fusillés à Boufarroudj (Sétif) : La société civile réclame une stèle commémorative
Mardi 4 mars 1958, le peloton du 1er escadron du quatrième régiment de dragons tombe dans un traquenard tendu par Abdelkader El Bariki, au lieu-dit Aïn Lahdjar, situé entre Titesst et Bougaa. Ayant minutieusement préparé son coup, la katiba de l’Armée de Libération Nationale (ALN), qui connaissait parfaitement les moindres recoins de ce relief accidenté, […] The post Huit martyrs fusillés à Boufarroudj (Sétif) : La société civile réclame une stèle commémorative first appeared on L'Est Républicain.

Mardi 4 mars 1958, le peloton du 1er escadron du quatrième régiment de dragons tombe dans un traquenard tendu par Abdelkader El Bariki, au lieu-dit Aïn Lahdjar, situé entre Titesst et Bougaa. Ayant minutieusement préparé son coup, la katiba de l’Armée de Libération Nationale (ALN), qui connaissait parfaitement les moindres recoins de ce relief accidenté, inflige d’importantes pertes à l’armée française qui perd 16 soldats. L’effet de surprise et la maîtrise absolue du terrain ont été les meilleurs alliés des combattants de l’ALN. Ces derniers regagnent leur base, disséminée dans une grotte du mont Anini, le moral plus que jamais gonflé à bloc. Encaissant mal ce coup dur qui a abîmé le moral des troupes et ébranlé le commandement militaire de toute la région, l’armée coloniale a lancé des représailles d’une violence inouïe. Ainsi, 48 heures plus tard, le jeudi 6 mars 1958, le colonel Sevelinge dirige la plus grande rafle que le village ait connue durant les sept années de Guerre de libération nationale. Ayant droit de vie et de mort sur la population indigène, l’armée a mobilisé les gros moyens et n’a pas fait dans la dentelle. Effet de surprise oblige, l’opération commence à six heures du matin. Encerclant tout le village, l’armée boucle toutes les issues, plongeant la localité dans la peur et la frayeur. De la partie, les harkis – sans cœur – défoncent les portes des familles apeurées. Sans distinction, femmes, hommes, enfants et vieillards sont raflés et dirigés sans ménagement vers le stade municipal, où ils seront parqués comme des animaux. Après un tri brutal, les hommes sont retenus sur place, tandis que les femmes, avec leurs bébés accrochés au dos, sont regroupés dans les abattoirs municipaux, situés en face de l’entrée principale de la structure sportive précitée. Si les femmes et les enfants, sanglotant au pan de la robe de leur maman, sont libérés à la mi-journée, les hommes vont subir les pires sévices durant sept jours entiers. Entourés de fils barbelés, les « bagnards » de cette prison à ciel ouvert font face à des conditions de détention et d’hygiène atroces. Des centaines de personnes supportent mal une atmosphère suffocante, une promiscuité insupportable et une puanteur épouvantable. Dormant à la belle étoile et sous un froid glacial, beaucoup succombent à l’hypothermie, quand d’autres sont transférés vers les sinistres camps d’Aïn Meddah, Dardra et Meïda de Kherrata. Le 11 mars 1958, soit cinq jours seulement après leur arrestation, Bougaa perd un autre contingent de ses meilleurs enfants. Mis au secret dans la ferme d’Aïn Meddah, où ils subissent différentes formes de géhennes, Ahmed Lakhdar Allouani, Tayeb Taklit (anciens élèves d’Eugène Albertini, actuel lycée Mohamed Kerouani de Sétif), Mohamed Atoui, Kaddour Belhateb, Lakhdar Belhocine, Abdelkader Benaddad, Lamri Daoud et Djelloul Debihi sont fusillés sans le moindre procès sur le pont métallique reliant les deux rives de l’Oued Boussellam, au lieu-dit Boufarroudj. Ils ont été exécutés parce qu’ils étaient des djounouds de l’ALN. Il a fallu attendre septembre 1962 pour exhumer les corps de ces martyrs de la liberté et leur offrir une sépulture digne.
« Fidélité au combat »
Aujourd’hui, après plus de six décennies, le souvenir reste intact, douloureux et gravé dans la mémoire collective. Après avoir frappé à toutes les portes pour obtenir un hommage à la hauteur du sacrifice suprême, les membres de la société civile de Bougaa et de Hammam Guergour s’adressent une ultime fois à Mustapha Limani, wali de Sétif. « Il est de notre devoir sacré de pérenniser le souvenir et le legs des martyrs qui ont payé le prix fort pour que nous puissions vivre libres et indépendants. L’histoire de Bougaa et de Hammam Guergour est marquée du sceau du sacrifice, et les huit fusillés abattus froidement sur le pont métallique incarnent ce courage inébranlable. Ériger une stèle en leur mémoire n’est pas seulement un geste symbolique, mais une véritable forme de reconnaissance et de fidélité à leur combat. C’est aussi une manière de transmettre aux générations futures le sens de l’honneur et de la dignité. À travers ce monument, nous rappelons que la liberté dont nous jouissons aujourd’hui est le fruit de vies offertes sans hésitation. La mémoire de ces martyrs doit rester vivante dans nos consciences et dans notre ville pour inspirer nos enfants et guider notre avenir. Nous, citoyens de Bougaa, portons l’engagement de protéger et d’honorer cette mémoire, afin qu’elle ne s’efface jamais. C’est pour cette raison que nous sollicitons l’intervention du wali de Sétif pour qu’une stèle soit érigée en ce lieu précis. Nous serions heureux et fiers de prendre part à une telle cérémonie lors des prochaines festivités du 1er novembre, clôturant le 70ème anniversaire du déclenchement de la glorieuse Révolution du 1er Novembre 1954 », soulignent, non sans une forte émotion, nos interlocuteurs pour lesquels une telle stèle représente un serment de fidélité et un devoir envers les martyrs.
K. Beniaiche
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