Invasion de crabes bleus américains à Jijel : Le phénomène inquiète scientifiques et pêcheurs

Invasive, vorace et redoutée par les pêcheurs, l’arrivée massive du crabe bleu américain sur les côtes jijéliennes inquiète autant les scientifiques que les professionnels de la mer. Une opération de suivi menée récemment à Oued Kissir par l’association Écologie Sans Frontière met en lumière les dangers écologiques et économiques liés à ce prédateur marin. Cette action s’inscrit dans le cadre de la convention de partenariat et de cogestion conclue entre l’association et le parc national de Taza. Elle vise à surveiller l’évolution de cette espèce invasive, originaire de la côte atlantique des États-Unis et aujourd’hui en forte expansion en Méditerranée. Selon les spécialistes, la prolifération du crabe bleu représente une menace sérieuse pour l’équilibre écologique des milieux marins de la région. Prédateur vorace, il se nourrit de poissons, de mollusques et de crustacés, perturbant la chaîne alimentaire et compromettant la reproduction de nombreuses espèces locales. Son développement rapide met en péril la biodiversité et pourrait entraîner la disparition progressive d’organismes marins endémiques, fragilisant ainsi tout l’écosystème. Mais l’impact ne se limite pas à l’environnement : il touche directement les pêcheurs artisanaux. Le crabe bleu s’attaque aux captures, déchiquette les poissons piégés dans les filets et détruit les appâts, réduisant à néant des heures de travail en mer. Sa carapace robuste et ses pinces puissantes endommagent également les filets et les nasses, obligeant les pêcheurs à des réparations incessantes et à des dépenses supplémentaires pour renouveler leur matériel. Entre les charges croissantes et la baisse des prises commercialisables, les pertes économiques deviennent considérables. « Ce crabe bleu est en train de nous ruiner », déplore Ali, patron d’un petit bateau de pêche artisanale au port de Jijel. « Quand on relève les filets, on trouve souvent plus de crabes bleus que de poissons. Ils déchirent les filets, mangent les captures et nous laissent presque les mains vides. Chaque sortie en mer devient une perte : on dépense en carburant, on passe des heures à travailler, et à la fin on ne rentre qu’avec quelques kilos à peine. C’est décourageant ». Au port de Boudis, Da Mohamed, un septuagénaire connu comme réparateur de filets, confirme ce constat amer : « On ne fait plus que recoudre et repriser les filets. Avant, ils pouvaient durer plusieurs saisons. Aujourd’hui, avec ce crabe bleu, chaque retour de mer, c’est des dizaines de mailles arrachées. Les pêcheurs viennent me voir presque tous les jours pour réparer, mais ça leur coûte du temps et de l’argent. Ce fléau est en train d’épuiser tout le monde, sur mer comme à terre ». Cette double menace, à la fois écologique et socio-économique, souligne l’urgence de renforcer le suivi scientifique et de mettre en place des stratégies adaptées pour limiter la propagation de cette espèce invasive. L’objectif est double : protéger la biodiversité marine et préserver les moyens de subsistance des communautés locales. À travers ce type d’initiatives, Jijel confirme son rôle de territoire pilote dans la surveillance et la protection de son patrimoine écologique, aujourd’hui menacé par de nouveaux défis environnementaux qui appellent à une vigilance accrue.

M. B.

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