1945 à Guelma ou la furie des milices coloniales
La tragédie de Mai 1945 est un sujet qui parle à Gilles Manceron. Auteur d’une somme de publications dont « D’une rive à l’autre : la guerre d’Algérie, de la mémoire à l’histoire » (avec Hassan Remaoun, Syros 1993), ce spécialiste de l’idéologie coloniale française s’est rendu fréquemment à Guelma entre 2005 et 2018. Conférencier aux colloques […] The post 1945 à Guelma ou la furie des milices coloniales appeared first on Le Jeune Indépendant.
La tragédie de Mai 1945 est un sujet qui parle à Gilles Manceron. Auteur d’une somme de publications dont « D’une rive à l’autre : la guerre d’Algérie, de la mémoire à l’histoire » (avec Hassan Remaoun, Syros 1993), ce spécialiste de l’idéologie coloniale française s’est rendu fréquemment à Guelma entre 2005 et 2018. Conférencier aux colloques organisés par l’université « 8 mai 1945 », il partageait son temps entre activités académiques et moment dédié au militantisme anticolonial.
Avant de faire la connaissance de Sabrina Abda dont il préface le livre, Gilles Manceron a connu deux membres de sa famille. C’était vers 2007 non pas à Guelma, mais à Alger. Manceron s’y trouvait en compagnie de Mohammed Harbi pour les besoins d’un colloque organisé par le quotidien El Watan sur la « guerre des mémoires ». Mabrouk Abda, oncle de Sabrina, et un de ses fils s’y sont déplacés de Blida où ils résidaient. Objectif : saisir l’opportunité de la présence d’historiens français et algériens vivant en France pour leur demander de profiter de leur proximité avec les centres des Archives françaises et de ‘’travailler sur le drame de la famille Abda’’.
Entre temps, les noms de Amor, Smaïl et Ali Abda et les conditions tragiques de leur mort avaient surgi dans le livre de Jean-Pierre Peyroulou « Guelma, 1945. Une subversion française dans l’Algérie coloniale » (La Découverte, 2009) et dans le témoignage posthume de Marcel Reggui paru la même année et chez le même éditeur : « Les massacres de Guelma. Algérie, mai 1945 : une enquête inédite sur la furie des milices coloniales » (préface de JP Peyroulou). L’historien et Marcel Reggui évoquent l’assassinat des Abda, leur filiation politique – des militants PPA engagés au printemps 1945 dans les rangs des AML – et les circonstances de leur mort. Né Mahmoud, Marcel Reggui (1905-1996), un ‘’français musulman’’ reconverti au catholicisme à son arrivée en France en 1947. Marcel Reggui a connu un drame similaire au drame du père de Sabrina. Sa sœur et deux de ses frères ont été assassinés par des milices de colons françaises mises sur pied à l’initiative du sous-préfet Achiary.
Les circonstances ont fait que les chemins de Gilles Manceron et de Mabrouk Abda ne sont pas croisés de nouveau. C’est à la faveur de deux évènements thématiques sur l’histoire coloniale que à Nanterre puis à Paris que l’historien a rencontré Sabrina Abda. Elle lui a appris que son oncle avait tiré sa révérence. S’il n’a pu exaucer la demande de l’oncle, Gilles Manceron a accompagné avec son aura d’historien la nièce. Outre des conseils et orientations au fil des rencontres, il a préfacé son manuscrit. ‘’Ce livre de Sabrina qui paraît quatre-vingts ans après ce drame terrible de « l’autre 8 mai 1945 » réalise l’espoir qui était celui de cet oncle et de toute sa famille’’. Grâce à son effort tenace, Sabrina concrétise l’espoir de son oncle et permet, souligne Manceron, de faire connaître ‘’la terrible violence et la grande injustice’’ que la famille Abda avait subie. Une violence et une injustice ‘’profondément emblématiques du fait colonial’’.
Dans sa préface, Gilles Manceron rappelle la particularité de la répression massive perpétrée à Guelma tout au long des semaines postérieures au 8 mai 1945. ‘’On connait mieux’’ la répression qui s’est produite à Sétif et dans sa région de l’ouest du Constantinois que celle qui s’est abattue sur Guelma et ses environs. ‘’Dans cette ville, pourtant, le déroulement des faits a été particulier puisque les violences ont été le fait en grande partie de la milice constituée de civils européens qui a été formée dans les mois précédent le 8 mai 1945 et qui n’attendait qu’un prétexte pour s’abattre sur la population autochtone de la ville et de ses alentours’’. Ce déroulement particulier, explique l’historien, ‘’est un cas à la fois emblématique et paroxystique de la violence coloniale’’. Et ce déroulement ‘’apparait dans le récit que fait Sabrina Abda de la violence meurtrière qui s’est abattue sur sa famille’’.
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