Karim Zeribi, homme politique et figure médiatique française : « Il est temps de reconnaître les pages noires et ignobles de la colonisation »
Dans un contexte de crise sans précédent entre l’Algérie et la France, nourrie par des tensions mémorielles et un climat politique délétère, l’éditorialiste français Karim Zeribi tire la sonnette d’alarme. Invité ce dimanche, sur les ondes de la Radio nationale, il dénonce le rôle incendiaire de Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur et des Cultes, qu’il […]

Dans un contexte de crise sans précédent entre l’Algérie et la France, nourrie par des tensions mémorielles et un climat politique délétère, l’éditorialiste français Karim Zeribi tire la sonnette d’alarme. Invité ce dimanche, sur les ondes de la Radio nationale, il dénonce le rôle incendiaire de Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur et des Cultes, qu’il accuse de raviver les tensions par des déclarations provocatrices sur l’Algérie, l’islam et l’immigration.
Pour Zeribi, ces sorties populistes compromettent toute possibilité d’apaisement entre les deux États. L’homme des médias appelle à une reconnaissance pleine et entière des crimes coloniaux pour ouvrir une nouvelle ère de relations apaisées entre les deux pays. Il dénonce également la montée du racisme et de l’islamophobie en France. Invité de l’émission « L’invité du jour » sur la Chaîne 3, Zeribi n’a pas mâché ses mots. Il a affirmé que la France devait impérativement « reconnaître les pages sombres, noires et ignobles de la colonisation » pour espérer établir une relation saine et équilibrée avec l’Algérie. Pour lui, la reconnaissance historique est une condition sine qua non pour ouvrir une nouvelle page, fondée sur le respect mutuel et la vérité. Alors que l’Algérie commémore le 80e anniversaire des massacres du 8 mai 1945, une délégation d’élus français et franco-algériens a pris part aux cérémonies organisées en mémoire des milliers de victimes algériennes tuées par l’armée coloniale française. Une présence saluée par l’éditorialiste et ancien député européen Karim Zeribi, qui y voit un « geste fort et symbolique » en faveur d’un apaisement des relations entre Alger et Paris. Mais à ses yeux, cet effort reste fragile et menacé, notamment par l’attitude de certaines figures politiques françaises. « Elle matérialise le souhait de voir un apaisement dans les relations franco-algériennes et qu’elles soient positives, respectueuses et d’égal à égal. Une relation de confiance entre deux Etats qui doivent se respecter », a-t-il expliqué. « Ce signal de ces parlementaires exprime d’une part une volonté de voir la relation entre la France et l’Algérie s’apaiser. La reconnaissance de l’histoire qui fait également partie des nécessités pour renouer des relations franches, sincères et authentiques », a-t-il ajouté. Pour l’ancien député européen, la reconnaissance de l’histoire est une condition sine qua non pour voir la relation entre les deux pays repartir sur de bonnes bases. « La France n’a toujours pas reconnu l’histoire dans sa globalité, c’est ça aussi le drame des relations entre la France et l’Algérie. Donc, il faut reconnaître l’histoire, car ce geste ne veut pas dire faire état de repentance. Malheureusement, c’est là que les Français se trompent complètement dans l’approche des relations entre les deux pays. Il est primordial de reconnaitre les pages sombres, noires et ignobles de la colonisation », a-t-il dit.
Retailleau, « un obstacle majeur » au dialogue
Karim Zeribi a pointé du doigt l’attitude du ministre de l’Intérieur et des Cultes, Bruno Retailleau, qu’il accuse de jeter de l’huile sur le feu dans une relation déjà tendue. À ses yeux, Retailleau fait de l’Algérie, de l’islam et de l’immigration des boucs émissaires à des fins électoralistes, contribuant ainsi à la crispation générale en France comme dans les rapports bilatéraux. « Malgré le passé douloureux entre la France et l’Algérie, la relation entre les deux pays est inéluctable et il faut l’entrevoir. Toutefois, ça ne pourra pas se faire avec Bruno Retailleau », a-t-il martelé. Pour l’éditorialiste, il faut avoir le courage et l’audace de se poser la question : Qui a besoin de qui dans cette relation ? Est-ce que l’Algérie a besoin de la France ou bien c’est le contraire ? « C’est Bruno Retailleau qui est aux responsabilités et c’est lui qui pollue la relation entre la France et l’Algérie. Tous les jours, il sort un sujet différent en rapport avec l’Algérie à l’exemple de Boualem Sansal ou les OQTF, en s’exprimant d’une manière irrespectueuse et inacceptable», a-t-il tenu à rappeler. Zeribi estime que ce comportement n’est pas sans conséquences : il renforce la défiance, fragilise les liens historiques et humains entre les deux pays, et empêche l’ouverture d’un dialogue sincère. Il rappelle également que l’Algérie est un « grand pays, souverain », qui mérite d’être traité avec dignité.
Un climat délétère en France
Au-delà de la relation bilatérale, l’éditorialiste a également exprimé son inquiétude quant à la montée du racisme, de l’islamophobie et du rejet de l’autre en France. Il dénonce un discours médiatique et politique de plus en plus stigmatisant à l’égard des musulmans, qui sont, selon lui, «les premières victimes de l’extrémisme dans le monde », mais constamment soupçonnés de dérives. « Aujourd’hui, les Français ne sont pas traités de la même manière. Les musulmans, qui sont presque 10 millions, sont pointés du doigt et suspectés en permanence de terrorisme, d’extrémisme et de fanatisme, or ce sont eux les premières victimes de l’extrémisme et du fanatisme dans le monde », a-t-il regretté avant d’ajouter « c’est un racisme qui ne dit pas son nom, il faut donc se lever et rappeler les principes de la République et de la laïcité à la France. Il faut mettre la France face à ses valeurs en expliquant qu’il faut respecter tout le monde quelle que soit la couleur de la peau, l’origine ou la croyance et c’est n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui dans la France du 21e siècle ».
Meriem B.